Henri Emmanuelli Le député socialiste des Landes était l'invité de RTL lundi 29 mai 2006.

Publié le par psinfo

 
Le député socialiste des Landes était l'invité de RTL lundi.
Jean Michel Apathie : bonjour Henri Emmanuelli.

Henri Emmanuelli : bonjour Monsieur Apathie.

Les acteurs français originaires des pays du Maghreb ont remporté dimanche le prix d'interprétation masculine à Cannes pour "Indigènes", c'est un film qui raconte l'histoire enfouie, oubliée de ces tirailleurs sénégalais, marocains, algériens qui se sont battus pour la France durant la deuxième guerre mondiale. Pourquoi la République officielle et responsables politiques ont-ils oublié, rejeté cette histoire Henri Emmanuelli ?

Moi je pense que c'est une bonne chose que la France soit confrontée à sa propre histoire. Et en même temps, je suis un peu inquiet de cette espèce de maladie commémorative qui frappe notre pays et qui tend un peu à démontrer que faute d'avoir un avenir, nous sommes enkystés sur notre passé.

En l'occurrence là on commémore, parce qu'on n'a jamais parlé de ça.

On commémore et je pense que c'est le rôle du cinéma comme de tous les arts ou comme de celui des historiens d'ailleurs, de nous mettre face à notre propre histoire et de ce point de vue là on a peut être trop tardé. Mais je répète que de notre côté le fait qu'un autre pays depuis quelques années et plus particulièrement depuis quelques mois, n'est-ce pas, s'enlise dans les commémorations, refuse sa propre histoire, se déchire pour savoir s'il faut fêter la bataille d'Austerlitz ou pas. Un jour sur autre chose. Tout cela n'est pas un signe de grand dynamisme et d'optimisme. N'est pas le signe d'un pays tourné vers son avenir mais qui, une fois encore, essaye de se dépêtrer de son passé.

Le film sortira le 27 septembre.

J'irai le voir avec beaucoup d'intérêt en plus.

Commémoration toujours : il y a un an...

... Cela dit pour ma part moi j'ai toujours été n'est-ce pas, jeune je me suis battu pour l'indépendance de l'Algérie et pour l'indépendance des colonies ; donc sur le fond, ça ne me choque pas tout ça ; vous l'imaginez.

Commémoration toujours : il y a un an, Henri Emmanuelli vous débouchiez le champagne parce que le non que vous défendiez, avait triomphé lors du référendum sur la Constitution européenne. Et un an après, on se dit que vous n'avez pas fait grand chose de votre victoire.

Alors là, nous sommes davantage dans l'actualité même si je ne sous-estime pas le poids de l'histoire.

Qu'est-ce que vous avez fait de votre victoire Henri Emmanuelli ?

Alors j'écoutais il y a un instant un petit peu l'éditorial un peu catastrophiste de Monsieur Duhamel sur ce 29 mai et ce non français et je ne partage absolument pas cette analyse ; je constate simplement que ceux qui ont perdu cette bataille ne s'en sont toujours pas remis et surtout qu'ils n'en n'ont pas tiré les conclusions ; encore que, à la fin c'était un peu le cas de son éditorial. Mais...

... Et ceux qui ont gagné n'en ont pas fait grand chose.

J'y reviens. Le 29 Mai, moi je pense que cela aura été une date importante et qu'on sous-estime encore aujourd'hui, un an après, le poids de cette décision. Je rappelle que si les Français devaient voter aujourd'hui, c'était un sondage de la semaine dernière, il y a 10% de plus qui voteraient non. Je rappelle que c'est la même chose en Hollande. Donc ce n'est pas comme on le dit, un phénomène purement français. Je rappelle que le processus de ratification se poursuit contre toute évidence d'ailleurs, mais qu'on évite soigneusement de faire voter les pays qui voteraient non. Or on ne fait pas voter la Grande Bretagne, dont tout le monde sait qu'elle voterait non. On ne fait pas voter la Pologne dont tout le monde sait qu'elle voterait non. On ne fait pas voter le Danemark dont tout le monde sait qu'il voterait non. Autrement dit, on fait semblant et on reste dans le semblant. On n'a pas compris la portée du 29 mai.

Ma question Henri Emmanuelli...

... le 29 mai, c'était les opinions publiques qui se réveillaient, qui voulaient une Europe pour les citoyens, c'est-à-dire plus démocratique, plus dynamique, plus entreprenante et plus sécurisante.

Pourquoi la gauche ne s'est-elle pas recomposée ?

Au lieu de ça...

... Attendez Henri Emmanuelli, ma question c'était pourquoi la gauche n'a-t-elle tiré aucune leçon, ne s'est-elle pas recomposée autour du non ?

On parle de l'Europe là. Après je vous parle de la gauche avec plaisir.

Mais après, on n'aura plus le temps.

Oui mais quand même. Qu'est-ce qui s'est passé après le 29 mai. Nous avons assisté à la mascarade budgétaire. C'est-à-dire de pays qui se disputaient pour mettre le moins possible alors qu'il fallait faire l'inverse. Un plan de relance ambitieux pour les pays de l'est et obtenir d'eux en contrepartie, essayer d'obtenir d'eux en contrepartie une harmonisation fiscale et sociale pour atténuer le dumping intérieur. On a assisté à la poursuite d'une politique monétaire malthusienne. On a assisté à une persistance de la commission qui n'a rien compris, qui ne veut rien comprendre et qui continue à se préoccuper uniquement de la dérégulation du marché intérieur, qui refuse une politique industrielle, qui refuse un effort sur la recherche, qui refuse des champions européens. Autrement dit, on a toujours, n'est-ce pas, l'Europe des actionnaires, alors qu'on attendait l'Europe des citoyens. C'était ça le 29 mai. C'était le rendez-vous des citoyens donné à l'Europe et la Commission qui n'en n'a tiré d'ailleurs aucune conséquence politique. Parce qu'à Bruxelles comme à Paris, on s'assoit sur le principe de responsabilités politiques, continue comme si de rien n'était. Alors ça ne peut pas aller.

La gauche qu'est-ce qu'elle...

Ça n'est de la faute des gens qui ont voté non.

... Quelles leçons elle a tiré la gauche ?

... C'est la faute de ceux qui sont en responsabilité qui n'ont tiré aucune conclusion et qui continuent à faire les autruches. Et ça, c'est dangereux pour l'Europe. C'est très dangereux. Il faut faire l'inverse. Il faut un plan de relance, il faut un budget qui vienne à 2% du PIB , il faut entamer une discussion sur un traité social, il faut une harmonisation fiscale et il faut ensuite un nouveau texte, un nouveau texte, je dis bien, constitutionnel approuvé par les opinions publiques qui sera plus réduit et qui se limitera à dire qui fait quoi et comment on décide.

D'accord.

L'Europe, la gauche…

Attendez non, non, maintenant la gauche tant pis...

... La gauche...

Non, non...

... Je suis d'accord avec vous qu'elle ne tire pas beaucoup les conclusions et que la dispersion, n'est-ce pas, de ceux qui ont voté non témoigne d'un enfermement dans la logique des appareils qui me paraît dangereuse et dont il serait souhaitable qu'elle sorte le plus vite possible, sinon on risque une catastrophe.

Pendant ce temps, la gauche, et notamment le parti socialiste est polarisée par l'élection présidentielle. On a lu dimanche que Martine Aubry n'excluait pas d'être candidate à l'élection présidentielle.

J'ai vu ça comme vous.

Au moins vous ne manquez pas de candidats, ça c'est bien.

Oui comme vous dites. Je conçois que tout le monde a la légitimité nécessaire à être candidat. Mais moi je pense que le PS doit retrouver rapidement l'énergie parce que le spectacle qu'il offre aujourd'hui à l'extérieur, n'est pas convenable. Et ça ne peut pas durer comme ça.

Mais qu'est-ce que vous pensez de cette multiplication de candidatures ? Vous pensez que vous serez candidat vous-même Henri Emmanuelli ?

Ah, il ne manque plus que moi dans le décor si je comprends bien. Mais non, pour l'instant moi je m'occupe du projet ; j'espère qu'autour de ce projet, on va trouver des moyens de rassemblement et si on ne trouve pas des moyens de ce rassemblement, moi je dirai ce que j'ai à dire le moment venu. Mais je considère qu'offrir tout l'automne le spectacle de candidats, n'est-ce pas, qui se disputeraient l'investiture à l'intérieur du parti socialiste, ne correspond absolument pas à l'attente des Français aujourd'hui. D'autant plus que nous sommes dans une crise politique grave donc avec votre permission je voudrais dire un mot.

Juste un mot alors à propos peut-être vous serez à l'Assemblée Nationale mardi ?

Oui bien sûr.

Si vous croisez Guy Drut vous allez le féliciter pour son amnistie ?

Si vous voulez, ce qui se passe avec l'amnistie de Guy Drut , ce n'est qu'un témoignage de plus du fait que, aujourd'hui en France on s'assoit sur le principe démocratique de base qui est celui de la responsabilité politique. On doit dans une démocratie tirer des conclusions des élections, que ce soit du 29 mai comme des autres, on ne l'a pas fait. On doit tirer des conclusions des mouvements sociaux et notamment du CPE, on ne l'a pas fait. Aujourd'hui on a un Premier ministre qui se sent uniquement responsable devant le Président de la République qui lui ne se sent responsable devant personne. C'est totalement inacceptable et extrêmement dangereux pour la démocratie. Et l'histoire de l'amnistie, ce n'est qu'un éclairage de plus de cette irresponsabilité.

Bon vous étiez en forme ce lundi Henri Emmanuelli. Vous aviez beaucoup de choses à dire.

Et oui beaucoup trop ; il faut qu'on se revoit plus souvent.

On va se revoir Henri Emmanuelli sur RTL dont vous étiez l'invité. Bonne journée !

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