L'URGENCE D'UNE NOUVELLE REPUBLIQUE

Publié le par psinfo

 La VIème république parlementaire, une urgence démocratique.

L'ampleur de la crise que vit la France nous place en état d'urgence démocratique. La France n'est pas en déclin, les Français ne sont pas un peuple ingouvernable, rétif à toute autorité, frileux devant les réformes. La démocratie française, en revanche, est en crise, les Français ouvertement méprisés par ceux qui les gouvernent. Le pouvoir est aux abois ; en son sein, tous les coups sont permis ; le gouvernement a perdu toute sa légitimité et n'est plus qu'un théâtre d'ombres décadent ; la droite abuse aujourd'hui d'une autorité qu'elle n'est plus en capacité d'exercer, minée par les règlements de comptes et les complots.

Tout cela pourrait n'être qu'un épisode de plus d'une histoire républicaine avec ses hauts est ses bas, ses grands serviteurs et ses petits profiteurs. Mais la rencontre d'une crise sociale profonde et d'une crise démocratique sans précédent depuis le début de la Vème République crée un cocktail explosif. Et ce d'autant plus quand des apprentis sorciers allument les mèches : Nicolas Sarkozy en provoquant par sa violence les émeutes dans les banlieues cette automne, Dominique de Villepin en choisissant l'arbitraire du licenciement sans motif et la précarité comme modèle social, le tout patronné par un Président de la République, chef de l'exécutif, barricadé dans son asile élyséen. Ce n'est pas par hasard que ce Gouvernement-ci sombre ainsi ; ce n'est pas par hasard que ce Président-là est ainsi compromis.
Ils ont usé jusqu'au bout les institutions de la Vème République, elle coule donc avec eux.

La situation sociale et l'incompréhension entre le pouvoir et les Français sont telles que la crise de légitimité actuelle met en danger la démocratie représentative. La situation exige maintenant un sursaut démocratique, celui-ci ne peut venir que du peuple ; il faut donc lui donner la parole. La démission du président de la République, parce qu'il est le chef d'un exécutif devenu illégitime, est aujourd'hui un impératif démocratique. Cette année qu'il voulait utile, est rythmée par le CPE et l'affaire "Clearstream". Ce n'est pas la première fois que Jacques Chirac fait l'inverse de ce à quoi il s'était engagé. Mais l'étendue de la crise actuelle doit conduire le pouvoir à vérifier sa légitimité auprès du peuple.

Les Français, et singulièrement les classes populaires, ne sont pas les mauvais élèves d'un système à bout de souffle, ils en sont les victimes. La situation actuelle met en exergue ce que nous sommes nombreux, au sein du Parti socialiste, à dénoncer depuis plusieurs années déjà : crise sociale et crise démocratique sont profondément liées. L'ultra libéralisme conduit à priver l'immense majorité de nos concitoyens, non seulement d'une vie décente, d'une promesse d'avenir pour leurs enfants, mais aussi de l'exercice réel de leur souveraineté.

Il est faux de dire, comme on l'entend trop souvent, avec condescendance, qu'en l'état actuel n'importe quel gouvernement serait confronté à des difficultés de même ordre, la France étant, par essence, ingouvernable. La politique, et donc l'action gouvernementale, ne saurait être neutre, le contenu et la forme de gouvernement sont affaire d'engagements et de choix politiques. L'on entend, avec cette même complaisance, que le Parti Socialiste ne serait pas prêt, dépourvu de projet et trop pourvu de candidats. Bien sûr, est-ce sans doute plus confortable de connaître les règles du jeu avant la bataille et de fixer son propre calendrier. Mais de quel poids pèsent ces considérations face aux réalités vécues par nos concitoyens ? Le Parti socialiste doit être au rendez-vous démocratique qu'exige aujourd'hui la situation politique de notre pays, c'est sa responsabilité.

Le Parti Socialiste confrontée à la l'intensité de cette crise n'a pas le droit de calculer. Il ne peut pas dire au Président, "ressaisissez-vous ! Vous avez encore un an pour sauver votre présidence". Il doit exiger la démission du Président de la République et se préparer à parler aux français. Le décor de l'élection présidentielle est posé depuis longtemps. Un an de plus n'y changera rien. La gauche devra offrir un débouché à la demande politique née du "non" au référendum sur le traité constitutionnel européen, de la crise des banlieues, du mouvement contre le CPE et de l'asphyxie des institutions de la Vème République.

La rupture s'impose aujourd'hui face à une fin de règne qui n'en finit pas. Cette rupture indispensable n'est pas une posture. Elle ne saurait être portée par celui qui, à droite incarne toute l'action et toute la violence du gouvernement dont il est le numéro deux, et le caporalisme du parti dont il est le numéro un. La rupture n'est pas une question de nature, ni même de principe, elle est acte de volonté, elle s'appuie sur un projet radicalement alternatif à celui mis en œuvre depuis quatre ans. La rupture commence par appeler le retour immédiat devant le peuple et se poursuit par l'affirmation d'une authentique alternative démocratique et sociale. Elle s'incarnera notamment dans un projet politique qui rende à chaque citoyen la parcelle de souveraineté que les institutions de la Vème République leur ont progressivement enlevé. La VIème république parlementaire relève désormais de l'urgence démocratique.

Si la gauche manque à cette responsabilité historique, rien n'empêchera la droite dure et l'extrême droite d'achever l'œuvre commencée le 21 avril.

Benoît Hamon
Député Européen
Secrétaire National du PS aux questions Européennes
Porte-parole du NPS

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