A droite, le bruit et l'odeur de la xénophobie

Publié le par psinfo

Alors que sa nouvelle loi sur l'immigration sera débattue le 2 mai, Nicolas Sarkozy, comme Philippe de Villiers, braconne sans complexe sur les terres de Le Pen.
par Antoine GUIRAL
QUOTIDIEN : mardi 25 avril 2006www.liberation.fr
Les braconniers ne se cachent plus. A un an tout juste de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et Philippe de Villiers chassent sans complexe sur les terres de Jean-Marie Le Pen. Lors du scrutin de 2002, Jacques Chirac avait réussi à imposer le thème de la «sécurité» qui avait cannibalisé tous les débats du premier tour. En précampagne, les trois concurrents, Le Pen, Villiers et Sarkozy, espèrent cette fois que leur surenchère sur l'immigration sera gage de prospérité électorale.
Toute la journée d'hier, la garde rapprochée du président de l'UMP s'est attelée à défendre la ligne dure désormais affichée par son patron, qui doit par ailleurs défendre un projet de loi controversé sur l'immigration à partir du 2 mai à l'Assemblée nationale. Samedi, Nicolas Sarkozy avait ravi les nouveaux militants de son parti en déclarant «Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter.» Soit le décalque d'un vieux slogan lepéniste («La France, aimez-la ou quittez-la») lui-même repompé par Philippe de Villiers depuis un an sur ses affiches («La France, tu l'aimes ou tu la quittes»).
«Un par un». Derrière ces invectives, la méthode du président de l'UMP reste la même : stigmatiser les plus faibles dans la société pour détourner l'attention et aller chercher, comme il le dit lui-même, «un par un» les électeurs du FN. Mais depuis 2002, et contrairement à ce qu'il imaginait, ni sa politique sécuritaire, ni ses déclarations empruntant au registre de l'extrême droite n'ont permis d'affaiblir le FN. Au contraire, de récentes études d'opinion montrent des Français toujours plus en phase avec certaines idées lepénistes.
«Nicolas Sarkozy parle avec des mots que les Français comprennent, sur des sujets délaissés pendant des années (...) L'immigration, tout comme la sécurité, a longtemps été dans notre pays un sujet tabou, alors qu'elle est un sujet de préoccupation majeure pour nos concitoyens», a affirmé hier Luc Chatel, porte-parole de l'UMP. Le ministre de l'Aménagement du territoire, Christian Estrosi, a également justifié la radicalisation des propos de son mentor par la nécessité pour Nicolas Sarkozy de «s'exprimer comme tous les Français qui pensent exactement la même chose que lui». Cet argumentaire du soi-disant «parler clair» avait déjà été utilisé par les sarkozystes quand le ministre de l'Intérieur avait préconisé l'utilisation du «Kärcher» pour nettoyer la Courneuve ou fustigé la «racaille» à Argenteuil, à la veille des émeutes en banlieue cet automne.
Les yeux rivés sur les sondages, Nicolas Sarkozy alterne depuis quatre ans les coups de barre à gauche et à droite. Cette incessante godille électoraliste est censée lui permettre d'élargir son audience et de séduire des catégories de population a priori peu favorables à la droite, comme les classes populaires ou les fonctionnaires. Mais par-dessus tout, il lui importe de ne pas perdre ce noyau dur de l'électorat de droite qui fait le socle incontournable d'un «bon» candidat de second tour à la présidentielle. Or, il y a danger de ce côté. La montée en puissance de Philippe de Villiers conjuguée à l'omniprésence d'un FN toujours au plus haut ont conduit Nicolas Sarkozy à sortir du bois.
Chiffonniers. Bousculé jusque dans son propre camp par ceux qui lui reprochent d'avoir «capitulé» face aux syndicats lors de la crise du CPE, le ministre de l'Intérieur a donc décidé de montrer ses muscles sur l'immigration. Il ne peut laisser Le Pen et Villiers pérorer seuls sur une thématique aussi porteuse à droite. Et sans doute y reviendra-t-il le 9 mai à Nîmes Ñ où le FN approche les 25 % de vote Le Pen Ñ où il a prévu de tenir un de ses nouveaux meetings pour «La France d'après».
Dans ce climat de concurrence exacerbée, les boutiquiers de la droite se livrent une bataille de chiffonniers, s'invectivant pour savoir qui copie l'autre. «La villiérisation des esprits est en marche», s'est félicité le député de Vendée. «Ces gens-là parlent comme Le Pen mais agissent comme Chirac», a lancé le patron du FN en renvoyant dos à dos Sarkozy et Villiers. Le porte-parole du PS, Julien Dray, a souligné hier que Nicolas Sarkozy se comportait «en digne petit-fils de Charles Pasqua» qui affirmait dans les années 80 que la droite avait «les mêmes valeurs que le FN». En fils spirituel aussi de Jacques Chirac qui, en 1991, y était allé de son oeillade à l'extrême droite en dénonçant «le bruit et l'odeur» des immigrés

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